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Congrès Eucharistique du 18 mai 1952 à Halluin.

 Le Cardinal Liénart et la messe concélébrée en l'église Saint-Hilaire.

(Photos n° 3768, 4067)

 

Les Carnets de Guerre

 du Cardinal Achille Liénart. 

 

Le Cardinal Liénart a noté chaque évènement de sa vie. Un éclairage capital qui explique son attitude y compris sous l’Occupation…

 

Ceux qui pensent tout connaître du Cardinal Liénart seraient bien surpris. La lecture de ses carnets personnels qu’il a fidèlement notés de l’âge de 19 ans à ses derniers jours ou presque sont d’un intérêt exceptionnel. En particulier pour la période de l’Occupation où son comportement fut parfois hâtivement décrit.

 

Ces quatre carnets « de guerre » ne figurent pas aux archives de l’Evêché. Selon la volonté du prélat, ils sont détenus par sa famille. Et son neveu, l’abbé Maurice Liénart, qui fut le confident de ses derniers instants est le dépositaire de cette « mémoire » de la 2ème guerre.

 

A quelques jours de sa mort, le Cardinal s’est penché sur son confident, l’abbé Maurice Liénart son neveu et lui dit : »Tu prendras le paquet qui se trouve dans ce tiroir là ». Ce paquet contenait les quatre carnets couvrant la période de 1939 à 1945.

 

L’écriture fine, à la plume, court sur les pages du calepin de poche et renvoit de jour en jour. Quand le Cardinal n’écrit pas, il reprend le fil de son récit à la date où il s’est interrompu. C’est là une précision importante pour tout historien. Cette belle écriture a elle aussi son histoire selon l’abbé Liénart : « Le Cardinal nous racontait en famille qu’il la tenait d’un Frère des Ecoles Chrétiennes, sa mère lui ayant imposé, enfant, des cours particuliers pour apprendre à mieux former ses lettres ».

 

La lecture de ces carnets permet d’éviter toute confusion. Elle exprime le cheminement de la réflexion d’un homme d’Eglise dans les tourments de la guerre et son intense activité en particulier envers les otages. Son inquiétude également, en Autriche les Allemands ont emmené les évêques en détention.

 

La controverse sur l’attitude du Cardinal Liénart à l’égard du gouvernement de Vichy y trouve un autre éclairage. Ainsi, si l’on peut admettre que « l’ancien du 2O1e » soit considéré comme un «  inconditionnel du Maréchal Pétain »  le vainqueur de Verdun, le Cardinal n’est pas un « inconditionnel de Vichy ».

 

Dans la zone interdite où se situe son diocèse, sa préférence à Vichy doit être considérée comme un refus à Bruxelles et une nouvelle Lotharingie. Exemple : cette phrase sur la rencontre Hitler-Pétain en octobre 1940 : «Le Maréchal est venu comme un vaincu avec qui il sera nécessaire de compter ». Pétain lui écrit en décembre 1940 et c’est bien la lettre d’un enfant du Nord qui évoque ses souvenirs de Cauchy-à-la-Tour (Pas-de-Calais) et qui demande à l’Eminence le soutien aux diocésains dans la traversée des épreuves.

 

Emotions : en décembre 40 il écrit : « j’apprends que l’abbé G. Declercq professeur au grand séminaire a été pris à Tourcoing à la descente du Mongy avec des hommes et des jeunes gens, et emmené comme otage en un endroit inconnu. Dès que j’aurai les renseignements, je demanderai sa libération. Il s’agit d’un prêtre indispensable au séminaire et souffrant d’une maladie de cœur »

 

 Le 13 décembre : « je n’ai pas obtenu de réponse mais il est rentré chez lui. C’est la réponse que je préfère ». 6 janvier 41 : « le Préfet Carles me remet dans l’intimité la cravate de commandeur qui me fut décernée le 4 juin par M. Morandat, Ministre de l’Intérieur de l’ancien gouvernement et qui m’a été confirmée par le nouveau, celui du Maréchal Pétain ».

 

Autre épisode, rentrant de Vichy en 1942, il écrit : « quel dommage que le Maréchal ait été obligé de reprendre Laval ». Laval le « mauvais génie » d’un vieillard… En revanche rien sur la rafle du Vél d’Hiv ni sur celles de Lille et Lens en septembre 42.

 

Le 12 mars 43 à Tourcoing il s’adresse aux jeunes : et considère « comme une injure personnelle ceux qui adressent des leçons au clergé ». « Je ne souscris ni à la propagande anti-allemande, ni à la propagande antibolchevik ». Il admet que le refus du STO n’est pas une faute : « nous sommes d’abord les apôtres de la charité ».

 

A la Libération, le 1er octobre 44, Charles De Gaulle, alors chef du gouvernement provisoire est à Lille. A l’issue de la messe en l’église Saint-Michel, ce dernier lui confie avoir reçu un message du Pape Pie XII et de Mgr Maglione. « Je n’ai pas vu le Pape depuis son couronnement » depuis 1939 écrit le Cardinal. «Je lui dis mon intention de me rendre au Vatican et le Général m’exprime son désir de me voir au plus tôt pour renforcer les liens entre le Saint-Siège et la France ».

 

Pétain, De Gaulle, Achille Liénart : trois destins croisés, trois anciens de 14-18, trois enfants de cette région. Qui peut comprendre et traduire sans risque de caricaturer ce qui s’est passé alors éloigné du contexte de l’époque ? Ces carnets inédits révèlent bien la dimension intime du personnage officiel de l’homme d’Eglise.

 

11/2/2011.

Commentaire : Daniel Delafosse