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03516

Réunion de la Maison des Syndicats Libres,
avec son chef de file Arthur Houte (assis 2ème à gauche)
et (derrière sur sa droite), Joseph Declercq.     
  (photo n° 03516)
  

C’était en 1925, « Halluin la Rouge ».

 

Récit de Roland Verkindère Historien Local.

 

Les Halluinois rentrent petit à petit à partir de 1929. Usines à remettre en marche, maisons à reconstruire, dommages de guerre à solliciter et à recevoir, emprunts municipaux à rembourser : la note est lourde.

 

En 1919, après bien des tentatives antérieures une liste socialiste conduite par Gustave Desmettre et se réclamant de la SFIO de l’époque obtient la majorité au conseil municipal. En 1920, à la quasi unanimité, les membres de la majorité municipale choisissent d’adhérer au parti communiste, section française de l’internationale communiste (SFIC). Cette majorité municipale veuf faire d’Halluin une commune exemplaire en matière de lutte idéologique et de combat social.

 

C’est le début d’ « Halluin la Rouge ». En 1925, cette même équipe, gagne de nouveau la mairie. Le redémarrage économique est chaotique avec ses périodes de chômage total et partiel dans une société sans assurance chômage, sans allocations familiales, sans sécurité sociale, sans habitat confortable.

 

A côté de la puissante Maison du peuple, d’autres forces et d’autres sensibilités se développent à Halluin pendant cette période : les syndicats libres. Le foyer démocratique, rénové et inauguré en 1921 au 134, rue de Lille, rassemble une boulangerie coopérative depuis 1910, des bureaux de syndicats et de la Mutuelle « La Prévoyance », un café-brasserie, une salle de conférences, de cercles d’études et de théâtre. Ces équipements reproduisent, de manière plus modeste certes, ce qui gravite autour de la Maison du Peuple et de ses organismes associés.

 

Le monument aux Morts... sujet de discorde

  

1925-26, c’est le moment où les familles militantes qui animent l’EPI et les syndicats libres lancent une souscription pour acquérir des locaux scolaires désaffectés rue des Ecoles. Ils y transfèrent une partie de leurs installations de la rue de Lille et ouvrent une brasserie accueillante, de nouveaux bureaux, une salle de théâtre puis de cinéma parlant installés dans un ancien atelier de menuiserie démoli pendant la Grande guerre à quelques mètres d’une prairie qui n’a pas encore reçu le Manège (1940).

 

En 1925, gros sujet de discorde : la construction d’un monument aux Morts à l’endroit même où deux petites maisons avaient été bombardées en 1918 au carrefour des rues du Moulin et de Lille, entraînant la mort d’un civil, bourrelier de son état, Louis Samper. Une souscription est ouverte. La municipalité refuse d’y participer.

 

Du coup les cérémonies patriotiques (11 novembre, 14 juillet) seront célébrées en deux lieux différents : au nouveau monument aux Morts de la rue de Lille pour l’UNC et une partie des Halluinois, au monument élevé en l’honneur des victimes de la guerre de 1870 au cimetière pour l’ARAC et les partisans de la Maison du peuple.

 

L’atmosphère est bien querelleuse dans ce « ménage à trois » qui échange à coups de tracts, de brochures, de lettres « confidentielles », les « conjoints » : le consortium patronal encore animé par Désiré Ley, les syndicats libres dont le chef de file est Arthur Houte et la Maison du peuple. Celle-ci est puissante et fragile à la fois.

 

200 estaminets à Halluin

  

En 1925, il y a encore deux cents estaminets à Halluin (14 000 habitants) dont les cafés de la frontière où passent chaque jour près de 10 000 travailleurs qui rejoignent Roubaix-Tourcoing.

 

Un jeune témoin des années 1925, Eugène Coopman (décédé en 2009), entré chez Sion à 13 ans en 1923 se souvient surtout des grèves « à tout bout de champ », des « bras croisés », « pour une heure », pour un oui, pour un non, avant la grande grève de 1928-29 qui l’obligea à se déplacer à Roubaix pour gagner de quoi faire vivre sa famille.

 

Communisme naissant

 

C’est dans une commune qui n’a pas retrouvé encore son poids démographique de 1900, une ville amaigrie mais enfin libre qui peut investir à nouveau malgré les difficultés économiques et le chômage latent : bains-douches, jardin public, école Jules Guesde au Colbras, terrain des sports près de l’Abattoir, bien d’autres réalisations encore.

 

Ainsi on découvre, cette sensibilité sociale même poussée à son paroxysme, cette flambée d’un communisme naissant quasi romantique, n’est pas une tare. Halluin reste attractive et réveille les énergies des uns et des autres. Car au-delà des divergences de surface, perdure un attachement profond à de vraies valeurs, le travail, la solidarité, la justice, le respect de la personne.

 

Comme continuent de s’imposer les contraintes et les atouts de la géographie, la présence de la Lys, de la frontière sise à Menin (B) ou dans les environs, l’ouverture au marché français qui attire des capitaux belges.

 

21/2/2011.

Commentaire : Daniel Delafosse