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En juillet 1960, le passage des frontaliers?

 au bureau "Léonie", rue de la Lys.

Contrôles par les CRS, durant les évènements d'Algérie.

Nous voyons ici le retour d'une équipe: les passagers avaient l'obligation de descendre des bus,

 et de le reprendre après le franchissement des deux frontières française et belge.

(Photo n° 1984)

Mémoire de Frontaliers. 

En Février 2006, à l’estaminet de la mémoire, l’heure était venue d’échanger sur la frontière, les douaniers, les fraudeurs, les travailleurs frontaliers et les transitaires.

On doit l’organisation de cette manifestation à l’action concertée de plusieurs associations (des Seniors, De Kapelle, celle du Moulin, celle de Généalogie et l’association A la recherche du Passé aidées par la Municipalité et Cinélys – qui collecte et met en forme les témoignages). Le principe est de demander aux anciens de rassembler leurs souvenirs sur le passé halluinois.

 

L’après-midi a été dirigée par l'historien local Roland Verkindère, insistant sur le fait que la frontière entre les deux villes d’Halluin et Menin a beaucoup évolué au long des âges. La frontière naturelle que constitue la Lys n’est pas la frontière politique d’aujourd’hui (rue de la douane, les habitants belges ont leur jardin… en France !).

 

« Le centre ville halluinois devait être situé aux « Baraques ». Mais c’est Louis XIV et Vauban qui en ont décidé autrement pendant la Guerre entre l’Espagne et les Pays-Bas. Vauban a fortifié Menin (B), fait détruire l’église Saint-Hilaire qui était aux Baraques pour la mettre où elle est aujourd’hui. Halluin allait jusqu’à la Lys, frontière naturelle. Voilà pourquoi la frontière a été déplacée ».

 

Un fils de douanier, travaillant sur les quais d’entreprise rue de Lille, se rappelle que celle-ci « était très abîmée : il n’y avait que cette rue pour passer, pas encore l’autoroute ». Il se souvient qu’à chaque changement d’équipe et quand les travailleurs belges arrivaient aussi, « les cafés s’emplissaient et se désemplissaient ». Les commerces vivaient au rythme des entreprises.

 

L’élue Annie Bagein raconte cette histoire : « Nous vivions rue des Frères Baert et nous étions cinq frères et sœurs. Les magasins belges étaient plus proches que les français… et les douaniers plus ou moins tolérants ! Mais on ne trouvait pas en France les mêmes produits qu’en Belgique. Comme nous mangions du pain qu’il était difficile de couper, nous avons acheté une trancheuse… que nous avons démontée et remontée pour l’offrir à notre maman ! ».

 

Une autre dame explique que sa mère l’avait emmenée avec sa sœur acheter du chocolat. « Au barrage, ils voulaient nous faire payer la taxe : nous avons alors sorti la friandise et l’avons mangée. Et nous sommes passés avec… sans payer ! Dans la poche ou le ventre, c’était pareil ».

 

Un ancien employé de la rue de Lille se souvient avoir vu nombre de stars de l’époque passer : « Annie Cordy, Brel, Bourvil, Fernandel, Tino Rossi… mais le plus spectaculaire fut Henri Salvador qui avait chanté toute une après-midi : les gens étaient si nombreux que cela a bloqué la rue ! ».

 

Passer la frontière par les égouts ! 

Roland Verkindère, ancien enseignant, raconte avec rire qu’il était parfois sévère avec un fils de douanier « qui ne laissait rien passer quand je tentais de franchir la frontière ». La douane halluinoise était réputée pour sa fermeté. Un ancien transitaire raconte qu’on lui téléphonait « pour connaître les horaires des inspecteurs ».

 

Vu de l’autre côté, un douanier jeune retraité qui a débuté en 1965 énumère sa carrière : marié à une employée de transitaire d’Halluin, il a effectué ses cinq premières années rue de Lille. Il raconte « que les camions de lin étaient dirigés vers la rue de la Lys et les camions dédouanés vers celle des Douanes ».

 

Puis la douane a été déplacée vers la rue de l’Abbé Lemire. Il a alors été muté à Paris jusqu’en 1979. Recevant une promotion, il est revenu cette fois-ci au Risquons Tout où transitait le tout périssable, notamment les animaux… De 91 à 2005, c’est le CIT de Roncq qui l’a accueilli. « On travaillait souvent tard et parfois j’ai connu des conflits difficiles à gérer ».

 

Pendant la dernière guerre, témoigne une personne « un soldat allemand assez tolérant, au courant des descentes de la Gestapo, appelait toutes les entreprises de la ville pour les avertir quand celle-ci emmenait les jeunes au Service Obligatoire en Allemagne ».

 

Fait historique avéré, des fraudeurs avaient également posé dans les égouts, venant de Belgique, « un système de rails afin de passer la frontière pour s’arrêter devant l’actuelle piscine ». On passait aussi de l’or « car en Belgique il valait moins cher ».

 

Roland Verkindère a ponctué cette assemblée sur 1993 et l’ouverture des frontières. « Quand elles ont disparues, un pan de l’économie s’est effondré : les cafés, les garages, les friteries, les épiceries, les restaurants ».

7/8/2010.

Commentaire : Daniel Delafosse