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Guerre 39 – 45

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Les libérateurs anglais, rue de Lille, en septembre 1944.

(photos n° 3022 et 5760)

La Libération d'Halluin - Septembre 1944

En 2010 : se souvenir n'est pas vain...

 par l'historien local Roland Verkindère.

Comme chaque année, la ville célèbre la libération d'Halluin. Comment s'est déroulé ce moment historique rue du Forage, rue de la Lys ou au balcon de l'ancienne mairie ? Lieu par lieu retour sur quatre jours souvent douloureux avant la Libération officielle.

 

À qui s'interroge sur les endroits où les combats de la Libération de la ville se sont déroulés, il faut d'abord rappeler que ces faits de guérillas urbaines avaient un double but. D'une part sur l'axe Lille-Bruges-Anvers empêcher les troupes allemandes d'occuper durablement ce port essentiel pour le débarquement des troupes et du matériel alliés (Dunkerque tient jusqu'en mai 1945).
D'autre part « faire le ménage » sur les marges de cet axe pour permettre aux troupes anglaises et canadiennes de foncer sans retard vers Anvers afin d'investir cette place stratégique.

C'est la mission, la feuille de route laissée aux hommes et femmes des forces françaises de l'intérieur, des FFI qui fédèrent les diverses composantes de la Résistance.


« Help » dessiné pour attirer les aviateurs anglais 

À Halluin, au bord de la rue du Forage, au niveau du centre Trieste, un camion allemand est en partie incendié. De l'actuelle rue Dennetière à la cité Windels (deux noms de victimes innocentes de ces combats) des véhicules ennemis circulent protégés par des otages civils, arrachés de leurs demeures.

 

Dans la rue de Lille même, aux baraques à Menin où Alfred Simono parlemente sans armes avec un officier SS pour empêcher des représailles plus sanglantes encore de la part des troupes en désarroi.

Au carrefour de la rue de Lille et de la rue de l'Église, où est dessiné en toute hâte un grand « Help » pour supplier les aviateurs anglais d'intervenir dans ces situations difficiles. De même le long de la Lys, au cercle catholique et au balcon de l'ancienne mairie place de l'Église où la Libération d'Halluin est proclamée par les représentants du Comité local de la Libération.

 

Dernière image : ce camion de soldats britanniques stationné et ovationné au pied du monument aux Morts, à l'endroit même où quelques jours auparavant la statue avait été enveloppée d'un drapeau tricolore à la grande colère des ennemis bientôt en retraite sinon en déroute.

 

Autre temps. Mais ces jours de septembre 1944 mettaient fin à une chape de plomb de plus de quatre ans et laissaient espérer enfin une nouvelle ère de vie plus pacifique après la capitulation, le retour des prisonniers, la reprise progressive mais lente d'une vie plus normale.

Heureusement, ces temps sont révolus. La réflexion sur ce passé tumultueux (1870-1944) a enfin abouti à une Europe plus pacifiée. S'en souvenir n'est pas vain.

8/9/2010.

Commentaire : Daniel Delafosse

 

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M. Albert Desmedt, Maire d'Halluin remettant un prix à M. Maurice Mahieu.

(photo n° 112)

 

La Lys libérée en Septembre 1944

Des F.F.I. au Hameau des Bois,

 ou la Résistance Bousbecquoise. 

 

Récit, dans la presse locale, des opérations menées en septembre 1944 par les résistants bousbecquois, racontés par l’un des leurs : René Gryspeerdt, en septembre 1984 soit quarante ans après.

  

Comme la plupart des autres communes de la vallée de la Lys, Bousbecque a connu des journées agitées au début de septembre 1944. Si l’histoire avec un grand « H » ne s’est évidemment pas dénouée de façon déterminante dans la commune, ses habitants y ont cependant pris part, et certains l’ont même payé de leur vie, à l’image de Léon Six.

 

Voici le récit de l’un des témoins directs de ces opérations : René Gryspeerdt, disparu en 1983,  qui fut l’adjoint direct de M. Albert Desmedt chef des F.F.I. bousbecquois. Après une grave blessure de celui-ci, ce fut en effet à René Gryspeerdt que revint la tâche de rédiger le compte rendu officiel des engagements menés dans la commune.

 

Ce document étonnant fut adressé par le commandant Arthur Malfait, chef de mission et liquidateur national du réseau Sylvestre ex-WO. Ce texte est livré à l’état brut, tel qu’il a été rédigé juste après la libération. 

 

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Sur le toit d'un char allemand capturé,

des FFI bousbecquois défilent dans les rues de la commune.

(Photo NE DD 13460  n° Img 389)

 

Compte rendu des opérations du Dimanche 3 septembre 1944, 11 h :

 

Quelques groupes de soldats allemands en armes sont signalés dans la campagne. Nous décidons une expédition dans le but de se saisir d’armes. Six hommes : Albert Desmedt, René Gryspeerdt, Albert Ostyn, Constant Vandamme, Georges Huyghe et Jean Hollebecque armés de trois revolvers tentent l’opération.

 

Un groupe de cinq Allemands est aperçu au hameau des Bois, après deux kilomètres de poursuite, trois des nôtres les doublent en bicyclette et s’aperçoivent qu’ils sont bien armés : une mitraillette et trois pistolets.

 

Les Allemands voyant la manœuvre bifurquent dans les champs. Nous regroupons les forces et décidons d’essayer de parlementer, arrivés à 60 mètres d’eux ; nous nous efforçons de les convaincre que la guerre est finie et de l’inutilité de résister, ils semblent acquiescer et viennent vers nous sans cependant se rendre, nous sommes près d’eux et d’un geste bref nous les désarmons.

Emmenés prisonniers au village, dans une salle des écoles libres, ils sont gardés la nuit par un groupe de F.F.I. qui fait bonne garde. 

 

Compte rendu des opérations du lundi 4 septembre 1944 :

 

Durant la journée, surveillance permanente du secteur. A 18 heures, on signale l’arrivée d’un groupe de 60 S.S. bien armés venant de Comines et Wervicq. Les forces sont groupées et les hommes disponibles et armés sont disposés aux points névralgiques. Les ordres sont formels de ne pas tirer vu l’importance de l’ennemi.

 

Arrivés à l’usine Leurent lieu de retranchement des F.F.I., le chef Albert Desmedt sans armes apparentes agita un mouchoir et fit signe au chef allemand qu’il désirait parlementer. Celui-ci un lieutenant S.S. fit lever les bras aux premiers rangs de sa troupe en signe d’acquiescement.

 

Albert Desmedt s’avança vers les ennemis, suivi de 2 F.F.I. Robert Debuf et Henri Leuridan. Aussitôt les Allemands baissèrent les bras et mirent les Français en joue, les traitant de terroristes et les menaçant de mort immédiate.

Ils en décidèrent autrement et mirent les patriotes devant la colonne en ajoutant un autre membre Léon Six.

 

Précédés des quatre prisonniers et sous la menace de leurs armes, les Allemands reprirent leur route vers Halluin, non sans avoir ramassé encore un civil Auguste Claeis qui, grâce à un papier signe de l’O.K., est relâché.

 

Arrivés au poste d’Halluin frontière, les F.F.I. d’Halluin alertés auparavant ont organisé l’opération de sauvetage des nôtres. Ils leur font signe de se coucher, deux des nôtres se couchent immédiatement, mais les deux autres Albert Desmedt et Léon Six sont lâchement abattus dans le dos par les Allemands.

 

A ce moment un groupe de F.F.I. de Bousbecque qui a suivi la colonne entre en action derrière les Allemands, pendant que les forces d’Halluin et Menin font face à la colonne.

Mais un tank allemand intervient et oblige les F.F.I. de se retirer.

Les Allemands profitant de cet appui puissant, se dispersèrent vers la Belgique en emportant leurs victimes.

Grâce à l’intervention en pleine bataille de notre aumônier l’abbé Wulstecke, les deux blessés sont immédiatement emportés au poste de secours, où le Docteur Dereu apporte les premiers soins.

 

L’arrivée rapide du docteur Devriendt de Bousbecque et de notre camarade André Lepoutre avec leurs voitures permettent une évacuation rapide des blessés vers Tourcoing.

 Avec le concours du Docteur Devriendt, le docteur Lengrand et l’hôpital de Tourcoing l’impossible est tenté pour sauver nos grands blessés.

 

Léon Six succombe dans la nuit et Albert Desmedt, moins gravement atteint, semble hors de danger.

  

Compte rendu des opération du mercredi 6 septembre  1944 : 

 

De fortes colonnes allemandes sont signalées en Belgique, sur la route de Menin à Wervicq face à Bousbecque.

Vers 19 heures nous entrons en rapport avec les F.F.I. de Wervicq (Belgique) qui craignent ne pouvoir conser ver sept prisonniers capturés par eux.

 

A 20 heures, nous aidons au passage au travers de la Lys, par des moyens de fortune, nous prenons possession des prisonniers et les dirigeons dans la voiture d’un de nos camarades au P.C. de Tourcoing. 

 

8/9/2010.

Commentaire : Daniel Delafosse

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Les premiers Anglais arrivent à Halluin

les 5 et 6 sept. 1944. Ils sont ici rue de Lille.

(photo n° 2966)

La Libération d'Halluin - Septembre 1944

Liste des personnes habitant Halluin,

blessées pendant les journées de libération.

 

 

Bartholomeus Marie         14/6/1904  Halluin                     183 Bis rue de Lille

 

Castro Henri                      23/8/1921  Halluin                    Chemin Rouge Porte

 

Cornette Georges               10/6/1901  Halluin                   18, Impasse Mamelon Vert

 

David Jules                        23/8/1878  Halluin                    62, rue Basse

 

Dekeyser Robert                  4/2/1883  Halluin                   17, rue Turbigo

 

Demeulenaere Bertha         20/3/1895  Menin (B)              59, rue Emile Zola

 

Faillie Monique                  28/2/1932  Halluin                   22, rue Henri Ghesquière

 

Feys Marcel                        9/12/1900  Halluin                   30, rue Georges Guynemer

 

Houthoof Marie                  11/7/1882  Roulers (B              38, rue du Nord

 

Olivier Cécile                      16/6/1909 Tourcoing (N)         130, rue de Lille

 

Saint-Venant Achille            3/5/1905  Halluin                     34, rue de la Gare

 

Saint-Venant Marceau         8/12/1925 Halluin                    34, rue de la Gare

 

Synave Victor                      5/12/1923 Halluin                    50, rue de la Pannerie

 

Vandenberghe Paul              25/1/1866 Halluin                   115, rue de Lille

 

Vanhonacker Henri              27/4/1903 Halluin                     52, Chemin des Meurins

 

Vlieghe Jean-Odilon            11/9/1884  Sweveghem (B)       72, rue du Midi                  Belge

 

Nuttin Marcelline                  Non originaire d’Halluin, partie à Cassel.

 

                                                                                              Halluin, le 9 Octobre 1944.

 8/10/2010.

Commentaire : Daniel Delafosse

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Juin 1983 : M. Maurice Mahieu (à gauche), du Club de Javelot, 

est honoré à la Mairie par M. Albert Desmedt, Maire d'Halluin

 

La Libération d'Halluin - Septembre 1944

 

Albert Desmedt, le F.F.I. ressuscité. 

Récits publiés dans la presse locale.

« Finalement, cette histoire je n’ai jamais eu l’occasion de la raconter vraiment. Surtout pas à un journaliste… 

Que voulez-vous, quand on l’est soi-même, journaliste, on n’a guère le temps ni le goût de s’auto-interviewer ».

 Alors M. Albert Desmedt, qui travailla durant trente ans dans la presse régionale, avant d’être élu en 1983, maire de sa bonne ville d’Halluin, a gardé bien au chaud pour lui « son » histoire de la Libération.

 

Pourtant les souvenirs sont là, tout proche et étonnement précis. Il est vrai qu’il n’est pas donné à tout le monde d’avoir été abattu par les S.S., d’avoir reçu les derniers sacrements… et d’être encore là en septembre 1984, quarante années plus tard pour le raconter !

 

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Albert Desmedt en 1984,

à son bureau de la Mairie d'Halluin.

(Photo NE DD 13564  n° Img 138)

 

Depuis la fin de 1942 le jeune Albert Desmedt, âgé alors de 25 ans, est délégué au mouvement « Voix du Nord » pour le secteur de la Vallée de la Lys.

Responsable du service « ravitaillement » à la mairie de Bousbecque, il s’est vu confier par les chefs de la Résistance une double tâche : fournir en tickets d’alimentation les réfractaires au STO et toux ceux qui sont plus ou moins recherchés par les Allemands ; et aussi fabriquer de faux papiers en grande quantité.

 

« Tous les réfractaires bousbecquois, et je dis bien tous, ont pu être ainsi approvisionnés, mais aussi des Halluinois et des Tourquennois, des gens que l’on m’envoyait parfois de fort loin.

 Quant aux fausses cartes d’identité, elles étaient très bien faites ; nous prenions les photos dans l’arrière-salle du café « Le Porte-drapeau » sur la place de Bousbecque, et nous les développions tant bien que mal.

 J’ai aussi distribué sous les portes des milliers de journaux clandestins, une fois la nuit tombée ».

 

Tout cela avec à deux pas la présence d’un groupe d’Allemands dans l’école laïque de la rue Saint-Joseph, des soldats qui allaient rester à Bousbecque jusqu’au début de 1944 !

Survient alors le début du mois de septembre ; pour la première fois le groupe commandé par Albert Desmedt va se manifester publiquement.

 

« Nous avions reçu des ordres précis de Marcel et Jules Houcke, ce dernier président du Comité Départemental de la Résistance, que j’avais d’ailleurs hébergé chez moi.

Il s’agissait de parlementer avec les groupes d’Allemands, qui se repliaient, afin si possible d’éviter la casse. J’avais reçu une trentaine de brassards « F.F.I. » que j’avais distribué à des garçons que je savais prêts à intervenir.

 Je dois dire que tous autant que nous étions, manifestions beaucoup d’inconscience : le mot « héroïsme » est de ceux qui me font un peu rigoler.

La vérité c’est que nous étions tellement contents de faire quelque chose, que nous n’aurions pas cédé notre place pour un empire ».

 

Le dimanche 3 septembre 1944, l’équipe commandée par Albert Desmedt, qui comprend notamment René Gryspeerdt, personnalité bien connue à Bousbecque, décédée en 1983, stoppe et désarme un groupe de cinq Allemands pourtant équipés de mitraillettes et de pistolets, après une poursuite à travers champs.

Les F.F.I assurent eux-mêmes la garde des prisonniers pendant la nuit.

 

« Le lendemain, en fin d’après-midi, nous avons voulu rééditer la même opération. J’étais avec deux autres F.F.I. Robert Debuf et Henri Leuridan.

Mais cette fois nous sommes tombés sur un groupe de soixante S.S. armés jusqu’aux dents ! »

 

Dans un premier temps leur lieutenant fait mine de vouloir parlementer, puis toute la troupe met en joue les trois Bousbecquois. Les insultes « Terroristen », les menaces et les coups pleuvent.

 

« Ils nous ont collés contre la grille de l’usine Leurent et ont braqué leurs fusils vers nous. Mais comme ils allaient tirer, une violente discussion les a opposés.

Aucun d’entre nous ne parlait allemand, cependant nous comprenions bien le sens des paroles. Une partie de la troupe voulait nous fusiller sur place, d’autres préféraient nous garder comme otages afin de couvrir leur fuite vers la Belgique. Au bout d’un moment ils ont baissé leurs armes… ».

 

Les trois résistants auxquels les soldats ont joint un jeune Bousbecquois de vingt ans, Léon Six, qui depuis a donné son nom à la rue principale de la commune, sont placés devant la colonne de S.S. et se mettent en marche, fusils et mitraillettes braqués sur leur dos.

 

« Là, je dois quand même admettre que j’ai eu la trouille de ma vie ! Ces quatre kilomètres de Bousbecque à Halluin, à pied, bras levés, les armes dans le dos, sachant parfaitement que dès qu’ils n’auraient plus besoin de nous ils nous abattraient froidement, c’est quelque chose qui se raconte et s’exprime difficilement… ».

 

Malgré tout, le groupe parvient à Halluin. Juste à la frontière avec Menin, des résistants français et belges qui stationnaient près de la douane aperçoivent la colonne. Aussitôt ils ouvrent le feu après avoir fait signe aux quatre prisonniers de se jeter sur le sol.

 

« Ensuite tout s’est passé très vite ; dès les premiers coups de feu, je me suis senti basculer en avant. Des témoins nombreux à cet endroit, m’ont ensuite raconté que j’avais poussé un grand cri, un seul.

Je me souviens parfaitement d’une seule chose : j’ai porté la main à mon côté droit qui me faisait mal. Il y avait dessus du sang et une espèce de glaire. Puis je suis tombé dans les pommes ».

 

En fait, seuls Henri Leuridan et Robert Debuf ont eu le temps de plonger. Le premier sera blessé au dos et au visage, le second s’en tirera avec une égratignure et réussira l’exploit de s’enfuir des lieux du drame en passant littéralement à travers les balles !

Albert Desmedt et Léon Six ont eu moins de chance, fauchés par la première rafale tirée par les Nazis.

 

Ceux-ci, après avoir essuyé quelques pertes, d’autant que des résistants bousbecquois se sont joints à ceux d’Halluin et de Menin, se retirent en tiraillant et vont se cacher dans le « Bois Gratry » tout proche.

 

Rue de la Lys, on a ramassé les corps ensanglantés d’Albert Desmedt et Léon Six. On les charge sur une vieille camionnette, et on les conduit à l’école du Sacré-Cœur, où l’abbé Blanckaert leur administre les derniers sacrements, car tous deux sont grièvement atteints.

 

Léon Six a été touché au ventre et au foie. Quant à Albert Desmedt, une balle de revolver lui a traversé le poumon, le transperçant de part en part à deux doigts de la moelle épinière.

Plus grave, une autre balle plus grosse, sans doute de fusil, lui a littéralement déchiqueté l’estomac. Le trou dans le ventre est gros comme « un bol de café au lait », selon les témoins oculaires.

On décide malgré tout de le conduire à un hôpital de Tourcoing rue des Ursulines.  

 

« Là, ma chance, ce fut le malheur d’un autre, un jeune F.F.I. grièvement blessé à Wervicq. On avait préparé une salle pour l’opérer d’urgence, mais il est mort pendant le trajet. Et là-dessus on m’amène. J’ai été opéré sur-le-champ, et c’est sans doute ce qui m’a sauvé ».

 

Léon Six, lui, succombera dans la nuit. Quant à Albert Desmedt, il reste trois semaines à l’hôpital, avant d’être rapatrié à Bousbecque, certes dans un triste état, mais hors de danger ;

On ne lui annoncera la mort de Léon Six qu’avec beaucoup de retard, pour éviter un nouveau choc trop violent.

 

« La suite des évènements, eh bien.. on me l’a racontée ! Tous les jours, des copains venaient se relayer à mon chevet et m’expliquaient la débâcle allemande.

 Puis j’ai commencé à remarcher avec un bâton, comme on disait à l’époque. Mais j’ai conservé les cicatrices… et le dos rond, car j’ai mis des mois avant d’oser me redresser ! ».

 

Rue de la Lys, une simple plaque indique l’endroit où est tombé Léon Six.

 

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Septembre 1984 : Albert Desmedt devant la plaque

 à la mémoire de Léon Six, abattu à cet endroit 40 ans plus tôt.

 C'est de l'autre côté de la rue de la Lys qu'il est tombé

 le même jour sous les balles allemandes.

(Photo NE DD 13562  n° Img 099)  

 

Albert Desmedt, lui a été abattu de l’autre côté de la rue, à deux pas de la douane.

 « J’ai perdu tellement de sang que la tache en est restée en est restée marquée durant des mois et des mois, avoue-t-il dans un sourire. Car dans le sang, c’est comme certains souvenirs : ça marque très très fort… ».

De Bousbecque à Halluin, la libération sanglante…

 

Récit de M. Henri Leuridan, en septembre 1984, 

à partir de ses souvenirs et de ses archives personnelles.

« Le dimanche 3 septembre 1944, vers 18 h, une colonne, d’une cinquantaine d’Allemands, qui se repliait vers la Belgique, débouchait à Bousbecque par la rue de Wervicq, portant leurs armes en position de tir.

 Albert Desmedt se tenait sur le trottoir de l’usine Leurent, sans armes apparentes. Par signes, il demanda aux Allemands s’ils voulaient parlementer.

 

Le chef de la colonne ennemi, un lieutenant S.S. fit lever les bras aux premiers de sa troupe pour marquer son accord. Et Albert Desmedt s’avança alors, un mouchoir blanc à la main escorté par deux autres F.F.I., Robert Debuf et Henri Leuridan. Mais les Allemands baissèrent soudain leurs armes, mirent en joue les jeunes Français et les alignèrent contre un mur en menaçant de les exécuter séance tenante ».

 

« Dans les rues voisines, les Bousbecquois  regardaient atterrés, s’attendant au pire. Les autres F.F.I., trop peu armés, se tenaient dans l’usine, avec la consigne de ne pas intervenir sans ordre, de façon à éviter les représailles dont pouvait être victime la population civile.

 

Quand un Allemand ouvrit la porte de la cour de l’usine, en tirant un coup de fusil, Albert Desmedt assura qu’il n’y avait plus personne et referma la porte cependant que ses deux camarades confirmaient ses dires.

 

Les Allemands placèrent alors en tête de colonne les trois F.F.I. avec Léon Six, également trompé par l’attitude conciliante des soldats, qui était descendu du clocher où il se trouvait en observation.

 

Terrifiés, les Bousbecquois regardèrent défiler la colonne précédée par les quatre jeunes gens, les mains en l’air, comme des vivants boucliers. Ce fut un calvaire pour eux, sur quatre kilomètres, harcelés par les Allemands qui leur faisaient comprendre le sort cruel qui les attendait au bout de la route.

 

Alertés par les F.F.I. de Bousbecque, les groupes d’Halluin et de Tourcoing s’organisèrent pour sauver leurs camarades. Et c’est au poste de douane à Halluin, rue de la Lys, que la colonne ennemie fut attaquée.

 

Les Allemands tirèrent sur les otages qui s’écroulèrent tous les quatre.

Le combat fut féroce et seule l’intervention d’un tank ennemi permit à la colonne de déguerpir ».

 

«L’abbé Vuylsteke s’était précipité en pleine bataille auprès des quatre Bousbecquois. L’aumônier de la Jeunesse Catholique en trouva deux à peu près indemnes, Robert Debuf et Henri Leuridan, ce dernier légèrement blessé d’une balle dans le dos et d’un éclat. Mais Léon Six et Albert Desmedt étaient grièvement atteints.

 

Ils furent transportés par la Croix-Rouge au Cercle catholique. 

Le foie et les intestins perforés, Léon Six était inopérable, il mourut dans la soirée.

Touché de plusieurs balles au ventre et à la poitrine, Albert Desmedt put être soigné et se rétablit ».

 

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Le 6 septembre 1944, un officier anglais

appartenant à la colonne des "libérateurs"

rend visite à la famille de Léon Six, à Bousbecque.

(Photo NE DD 13563  n° Img 430)

 

8/9/2010 et 6/9/2012.

Commentaire : Daniel Delafosse

 

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Libération 7/9/1944 : Funérailles des Résistants, 

  de la journée du 2 septembre 1944.

 (photo n° 2358)

 

La Libération d'Haluin - Septembre 1944

 

Liste des soldats habitant Halluin,

décédés à l'extérieur, au cours de la Guerre :

 (Période) 1939-1943.     

 

Bulletin Municipal de Novembre 1943.

 

Ameye Rémi décédé le 18/5/40 à Le Quesnoy, Nord, époux de Leenknegt Suzanne

Bonenfant Alphonse décédé le 19/7/40 Au Touquet, P.de.C. époux de Lucidarme Marie

Danset Emile décédé le 28/5/40 à Seclin, Nord, époux de Lemaitre Marthe

Debusschère Walter décédé le 9/6/40 à Doullens, Somme, célibataire

Decouter Claude décédé le 15/6/40 à St Pouange, Aube, époux de Vandermeeren Germaine           

Degryse Alphonse décédé le 4/6/40 à Cutry, M. et Moselle, époux de Vandevoghel Marguerite  

                                                                                                 

Descamps Jean décédé le 10/6/40 à Maizy-sur-Aisne, époux Vanhoutte Germaine

Devos Henri décédé le 25/5/40 à Wavrechain-s-Faulx, Nord, époux de Pardoen Bertha

Duynslaeger Médard décédé le 18/5/40 à Tupigny, Aisne, époux de Develter Adolphine

                                                                                                    

Ghekière Marcel décédé le 10/4/41 à Toulouse, Haute-Garonne, célibataire

Ghesquière Paul décédé le 21/6/40 à Bainville-sur-Madon, M.Moselle, époux de Haese Angèle

Grimonpont Léon décédé le 15/5/40 à Limal Belgique, époux de Toulmay Renée

 Hazebroucq Antoine décédé en captivité le 22/1/41 à Wintemberg Allemagne époux de Leplat Clémence

Herpol Georges décédé le 31/5/40 à Grande-Synthe, Nord, époux de Avyn Marguerite

                                                                                                                    

Mourice André décédé en captivité le 3/10/40 à Hemer Allemagne, célibataire

Pynaert Eugène décédé le 27/5/40 à Englos, Nord, époux de Devrièse Germaine

Six Joseph décédé le 21/6/40 à Bruges Belgique, époux de Myngers Alice

Vandamme Maurice décédé le 25/5/40 à St-Amand, Nord, époux de Deleye Marthe

Vandeputte Julien décédé le 25/5/40 à Noyellettes-en-l’Eau, P.de.C., époux de Devos Suzanne

                                                                                                                                  

Vansteekiste Alphonse décédé le 19/6/40 à Mont près Chambord, Loir-et-Cher, célib.

Verhaeghe Pierre décédé en captivité le 11/4/41 à Tangerhutte Allemagne, célibataire

Verrodde Gérard décédé le 3/6/40 à Leffrincoucke, Nord, époux de Romaen Jeanne

Vervacke Rémi décédé le 16/6/40 à Beney, Meuse, époux de Turf Simonne

Vlièghe Achille décédé le 20/5/40 à Condé-sur-Suippes, Aisne, célibataire

 Wulgaert Achille décédé le 18/6/40 à Malo-les-Bains, Nord, époux de Vercampt Zulma

 

Pergoot Eugène décédé le 18/6/40 à Rosières-aux-Salines, M. et Moselle, célibataire

Destailleur Paul décédé le 4/6/40 à Cutry, M. et Moselle, époux de Wyffels Marie

Delesalle Edmé décédé le 17/5/40 à Becquiny, Aisne, époux de Catry Marie

Feys Victor décédé le 1/3/40 à Cambrai,Nord, époux de Hostens Angèle

Foumantrouw Emile décédé le 22/6/40 à St-Dié, Vosges, époux de Weyts Adrienne

Parmentier Henri décédé le 22/5/40 à Béthune, P.de.C., époux de Picavet Marie

Collardeau Constant décédé en captivité le 29/9/40 à Elsterhorst Allemagne, époux de Herby Marie

                                                                                                            

Depuydt Emile décédé en captivité le 21/7/43 à Bilin-Sudelangau Allemagne, époux de Delaere Julienne

                                                                                                 

Lecoutre Achille, Victime civile, décédé le 8/6/43 à Elbeuf, Seine Inférieure, époux de Demeyre Elodie

                                                                                                        

Soldat Belge

 Vandewèghe André décédé le 25/5/40 à Oeselghem Belgique, époux de Rosseel Anaïse

                                                                                                                    

 7/9/2010.

Commentaire : Daniel Delafosse

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Arrivée des Anglais en libérateur, le 6 Septembre 1944 : 

1ère photo : devant le Monument aux Morts,

2ème photo : rue de Lille, avant d'arriver au centre ville d'Halluin.

(photos n° 3018 et 3019).

La Libération d'Halluin - Septembre 1944

20 ans à la Libération, témoin 50 ans plus tard. 

Pendant la seconde guerre mondiale, Halluin n’a pas vraiment vécu une occupation allemande omniprésente : seule la douane à la frontière de Menin (B) était farouchement gardée. Mais après le débarquement de Normandie des troupes alliées, les Allemands reçoivent l’ordre de se retirer vers les Ardennes.

 

Début septembre les convois avancent en direction de la Belgique et passent dans Halluin. Un noyau d’une vingtaine de Résistants engagés à la hâte dans les F.F.I. se forme à l’arrivée des Allemands le samedi 2 septembre 1944. Halluin qui avait passé jusque là la guerre sans trop d’encombres, connaîtra des combats sporadiques jusqu’à l’arrivée des Anglais et la Libération de la ville le 6 septembre.

 

Ces évènements ont laissé des morts devenus célèbres depuis lors. Parmi les forces volontaires F.F.I. figurent autre autres Marthe Nollet, tuée le 2 septembre et achevée de deux balles dans les yeux, alors qu’elle transportait des armes, Arthur Dennetière, Maurice Simono, Henri Deceuninck, Polydore Delaere et Michel Danset mort à 16 ans.

 

En septembre 1994, lors de la célébration du cinquantième anniversaire, d’autres anciens F.F.I., heureusement, ont échappé à la mort et pouvaient témoigner de ce qu’ils ont vu lors de ces journées qui resteront à jamais gravées dans la mémoire collective.

A cette date, l’auteur de ce récit qui suit avait désiré rester anonyme. On peut savoir, qu’à l’âge de 20 ans, il a été l’un des témoins et acteurs principaux des évènements de la Libération d’Halluin :

« Les Alliés ont réussi le débarquement. Après de durs combats, ils ont fini par s’accrocher et ont réussi à bousculer les forces allemandes. Maintenant ils avancent impitoyablement.

 

L’espérance est revenue dans nos cœurs et les jours sombres de l’occupation sont derrière nous. Tous les saints du paradis nous ont écouté, car nous ne savions qu’attendre et prier. Dans le malheur la foi renaît. Les églises combles pour des prières bras en croix, pèlerinages à Notre-Dame les pieds nus, l’unité dans la misère.

 

Plusieurs fois par jour, l’oreille collée à la T.S.F., nous écoutions cette progression commentée par la B.B.C. dans un brouillage épouvantable, en essayant de déchiffrer les messages confidentiels, inintelligibles pour nous, mais ô combien porteurs d’espoir pour d’autres.

 

Jules fait de la bicyclette

Le petit chat boit du lait

 

La rose sera fanée ce soir, etc…

 

Pendant ce temps, les Alliés avancent toujours. Nous ne savions rien mais nous sentions que cela allait changer. L’armée allemande n’avait plus la même allure, et leur sens de marche était inversé. Ils reculaient mais toujours en bon ordre, et leur impact sur nous était toujours aussi grand et fort.

 

Puis le vendredi, à force d’être sous tension, nous en avions le pressentiment, nous avons reconnu notre message : Les sanglots longs des violons de l’automne, et le samedi midi la suite : berce mon cœur d’une langueur monotone.

 

Voilà c’était pour nous, nous attendions cet ordre et cette dernière strophe nous avait fait bondir de joie, nous avait fait oublier notre humiliation de 1940 et quatre ans d’occupation, de servitude, de misère, de faim, de courbettes, de peur, de bombardements, de pénurie en tout.

Finis les repas sans viande, les purées de rutabagas, les toilettes sans savon, finies les corvées de bois, de charbon, de glanage de pommes de terre, d’herbe pour les lapins, finies les soirées sans feu, sans lumière, finis les vélos sans pneus, les chaussures usées.

 

D’un seul coup tout cela était oublié, nous allions « bouffer du boche » et ils allaient voir ce qu’ils allaient voir. Mais pour cela il fallait se rallier au centre-ville, et pour nous, Halluinois, ce n’était pas chose facile, car les Allemands étaient encore partout. L’épreuve du feu ne nous faisait pas peur mais malgré tout, cela nous incitait à la prudence.

 

Et après nous nous sommes retrouvés livrés à nous-mêmes sans ordre, sans commandement, sans arme. Que pouvions-nous faire ! La dure réalité était là. Bien sûr, nous étions maîtres d’un bureau de poste et d’une mairie sans personnel, d’une gendarmerie et d’un commissariat fermés, mais pendant ce temps-là l’armée allemande descendait toujours de la rue de Lille et de la rue de la Lys.

 

Inconsciemment, avec la fougue de la jeunesse que rien ne pouvait abattre, nous n’avions qu’un seul désir : « Les foutres dehors », et ce qui devait arriver arriva. La mort était au rendez-vous, quelques balles perdues sifflèrent et pour les Allemand aussi excités que nous, la réplique fut imparable. Pour une fois ils appliquèrent la Convention de Genève à leur avantage : F.F.I. ou pas, tout homme sans uniforme portant une arme était terroriste.

 

L’euphorie du premier jour tombée, ces morts parmi nous nous firent prendre conscience de notre vaine impuissance.

La reprise en mains, l’organisation, l’armement et ce vent de revanche que nous avions tant espéré, nous ne l’avons vraiment respiré qu’avec les odeurs d’essence des premiers véhicules anglais ».

 

 6/9/2010.

Commentaire : Daniel Delafosse

02842

Au cimetière d'Halluin, tombes des Victimes Halluinoises 

tuées par les Allemands, en Septembre 1944.

(photo n° 2842)

La Libération d'Halluin - Septembre 1944

Bulletin Halluinois : du 15 Septembre 1944

Liste des enfants d’Halluin

tombés dans les combats pour la libération du territoire. 

Arthur Dennetière 24 ans : Otage des troupes ennemies. Attaché sur un camion est tombé, frappé en pleine poitrine par une rafale de mitrailleuse le 2 septembre 1944.

 

Maurice Simono 43 ans : Engagé volontaire des F.F.I. en mission, est tombé fusillé sur le territoire de Neuville, le 2 septembre 1944.

 

Charles Windels 60 ans : Ancien combattant Française de 1914-1918. Le 2 septembre 1944 a été tué chez lui, en représailles des premiers coups de feu.

 

Henri Deceuninck 62 ans : Ancien combattant Belge de 14-18. Engagé volontaire des F.F.I. a été tué le 2 septembre 1944 sur le territoire de Menin (B)

 

Marthe Nollet 32 ans : Engagé volontaire des F.F.I. en mission, a été tuée le 2 septembre 1944 à Tourcoing. A été achevée ensuite de deux balles tirées à bout portant dans les yeux.

 

Emile Verroye 54 ans : Tué en représailles des premiers coups de feu le 6 septembre 1944 sur le territoire de Menin (B).

 

Polydore Delaere 22 ans : Engagé volontaire des F.F.I. fait prisonnier au combat le 5 septembre 1944, et torturé ensuite par les troupes ennemies, a été retrouvé mort le 7 septembre 1944 sur le territoire de Menin (B).

 

Georges Vanlaere 22 ans : Engagé volontaire des F.F.I. fait prisonnier au combat le 5 septembre 1944, et torturé ensuite par les troupes ennemies, a été retrouvé mort le 7 septembre 1944 sur le territoire de Menin (B).

 

Michel Danset 16 ans : Engagé volontaire comme agent de liaison des F.F.I. en mission, a été grièvement blessé à Halluin le 5 septembre. Mort des suites de ses blessures le 9 septembre 1944.

 

Marcel Vyncke 20 ans : Massacré a Bois de Gentelle près d’Amiens le 27 août 1944.

 

Maurice Masurel 43 ans : Fusillé le 2 septembre 1944 à Armentières.

 

Walter Dumoulin 17 ans : Engagé volontaire des F.F.I. comme agent de liaison. En mission a été blessé à Tourcoing. Mort des suites de ses blessures le 12 septembre 1944.

 

 9/9/2010.

Commentaire : Daniel Delafosse

 

 

05754

Mme Yolande Vanackère Résistante Halluinoise (au centre, pull blanc).

Les Médaillés et les services de l'ARAC, le 08 Mai 1987.

(Association Républicaine des Anciens Combattants d'Halluin).
(photo n° 5754)

 


La Libération d'Halluin - Septembre 1944 

Mémoire d’une intrépide résistante,

Madame Yolande Vanackère, veuve Graye. 

 

Madame Yolande Vanackere, veuve Graye, a hébergé des résistants durant la guerre. A plusieurs reprises, elle l’a  échappé belle ». Sans jamais éprouvé la moindre peur… Elle raconte quelques-uns des épisodes les plus marquants de cette époque. 

 En septembre 1994, dans son petit appartement de la résidence Jean Jaurès, Yolande effeuille les souvenirs. A 85 ans, celle qui pendant la période d’occupation, au côté de son mari d’alors et au sein du réseau « Bordeaux –Loupiac », Julien Vandekerckhove, multiplia les actes d’héroïsme sans que jamais la peur ne l’effleure, est toujours aussi vaillante. 

 

Bien sûr, la vue a baissé, mais Yolande sait comme personne retrouver une coupure de presse, une photo, simplement parce qu’elle sait bien où elle range les choses… Pour l’exposition du cinquantenaire de la Libération d’Halluin, qui se prépare dans les coulisses de la mairie, elle a écrit noir sur blanc les souvenirs des années noires. 

 

 

Récit :

 

« Sans être en contact avec une organisation de la Résistance, j’hébergeais en mars 43 M. Louis Belpaire, patriote belge recherché par la gestapo. Il était venu se réfugier chez sa tante Mme Vaes, chemin de Neuville, où une perquisition effectuée dans la maison voisine où habitaient mes parents. C’est alors que je l’ai logé chez moi. ..

 

Une lettre anonyme envoyée début octobre 41 à la kommandantur de Tourcoing m’accusait d’être membre d’une organisation d’intelligence avec les Anglais, dont le siège se trouvait au café Vauban, à Tourcoing. 

La lettre fut interceptée par le regretté Lucien Lamouche facteur, et remise à une organisation clandestine dont Fernand Cuvelier était membre. Ce dernier nous a prévenu de la dénonciation, et c’est ainsi que je suis rentrée en contact avec lui. Le 3 juin 1943, le 6 mars 44 et le 11 mai 1944, il s’est dit inquiété par la gestapo. Je l’ai hébergé trois fois ».

 

Les interventions ne s’arrêtent pas là… « En septembre 43,  j’hébergeais Wladimir Demeestere pendant quinze jours. Il était réfractaire. C’est Marcel Devriese (alias Robert) chef régional des F.T.P.F., qui l’amena chez moi.  

A partir de ce jour, je restais en contact avec ce mouvement de résistance. En septembre 43, les F.T.P.F. d’Halluin m’ont remis un patriote de Lille. Charles Jacquier (alias Charlot Lepers), qui y est resté cinq mois. 

Pendant son séjour, il amena à son tour Roger Gallez. Ce dernier fut abattu dans le combat par un gendarme français.

Dans le courant du mois de Février 44, deux patriotes d’Hirson, Noël et Roger, ont aussi été hébergés chez moi, par le biais de Marcel Devriese. 

 

Puis, à la suite d’une arrestation d’un chef de section patriote, un responsable de la résistance, Georges Dhalluin, durant huit jours. En mars, ce fut pendant quatre jours un chef régional politique échappé du camp de Doullens. Je ne puis dévoiler son nom… ». 

« Le 9 mai 1944, on m’apprit qu’un aviateur était parachuté dans un champ de colza. Dès que possible, muni d’habits civils et d’outils de jardinier, je m’y rendais et trouvais le sergent canadien du nom de Dicky d’Andréa.

Ayant l’oreille gauche arrachée, je le fis panser chez des gens sûrs. Puis, déguisé en jardinier, je le fis traverser les barrages allemands. Il resta chez moi trois mois, jusqu’au 27 juillet. 

Le docteur Henri Bolvin vint le soigner gratuitement (…). C’est de ce fait que je fus en liaison avec une organisation  halluinoise qui cherchait refuge pour les aviateurs alliés, les faire passer la frontière et les diriger vers l’Angleterre.

 

Cyrille Vaes et moi étions les deux principaux « agents » chargés de trouver ces refuges. Des patriotes assuraient le franchissement de la frontière avec l’aide de la douane française et de M. Paul Pille de Menin. 

Beaucoup ont accepté de les loger et de les nourrir, comme Mme Emma Saver-Knockaert, rue de la Gare, M. Leprête, rue de Lille, M. Alexandre Veyrié, rue Haute, Jules Debock, rue Traversière, Cyprien Nollet, rue de Lille, Julien Vandekerckhove… ». 

 

D’autres étaient chargés d’accueillir les aviateurs alliés à la frontière (suit une liste de noms), ainsi que les patronymes d’aviateurs canadiens, australiens, américains. Au total, onze militaires ont été sauvés pendant les premiers mois de 43 et le début de 44. 

« Le 30 juillet 44 », poursuit-elle « Cyrille Vaes m’amena un soir les deux aviateurs Roger Makeen, lieutenant canadien et Willard Horman,  américain. La même nuit, je les conduisais chez Mme Vansteenkiste, chemin du Billemont à Roncq ».

 

Commence alors une nouvelle phase

de la participation de Yolande à la Résistance…  

 

« En août 43, par l’intermédiaire de M. Oscar Joos, je découvris une imprimerie qui se mettait entièrement à la disposition de la Résistance d’Halluin. M. Léon Hermerel, rue de la Gare, imprima des tracts, affiches, circulaires, certificats et journaux pour le Nord et le Pas-de-Calais ». 

Le haut commandement défendit d’imprimer localement, afin d’éviter que la police française ou les Allemands ne découvrent cette arme clandestine. 

Des centaines de milliers d’imprimés furent envoyés par mes soins avec la messagerie Mestdag, à Halluin, qui n’était pas mise au courant, et à qui on laissait croire qu’il s’agissait d’un trafic de papiers entre Hermerel et moi. Je remettais un pourboire au convoyeur pour qu’il dissimule les colis au fond de la voiture.

 

Charles Jacquier était chargé de prendre livraison des colis au dépôt de Lille, à l’Auberge de l’Avenir, et les faire parvenir à leur véritable destination. Les colis portaient évidemment une fausse adresse. Pour éviter le va et vient de Lille à Halluin, et pour éviter les rafles, j’envoyais des télégrammes de connivence. 

Par exemple « je désire mon linge » ou le contraire : « je désire du papier. Ou « ma tante malade, téléphonez lui au 22.86 (contraire : envoie-moi 2.286 F pour les frais d’imprimerie… ».

 

En 43 et 44, les certificats de travail et carte d’identité délivrés aux réfractaires et patriotes furent munis du cachet au Bureau du commissariat par Louis Vaes, qui me les remettait. Le commissaire n’était pas au courant de ce manège. 

En 43, jusqu’à la Libération, j’ai pu obtenir par centaines les mêmes cartes d’identité du commissariat, grâce à Cyrille Vaes, agent de police qui pouvait se les procurer directement à l’imprimerie Dumortier où le commissaire les faisait imprimer.

 

« Pendant l’illégalité, j’ai aussi fabriqué une griffe de l’établissement Glorieux à Roubaix. Elle me servait à valider les certificats de travail. En plus, Oscar Joos et moi entrâmes dans le bureau des établissements Cibier à Petit Ronchin. 

Nous attendions le moment choisi pour y pénétrer lorsque s’y trouvait un seul employé. Nous demandions à voir le directeur qui se trouvait sur le chantier. Durant l’absence de l’employé, je cachetais une cinquantaine de certificats de travail pendant que Joss guettait. Nous l’avons fait deux fois avec succès. Par ce moyen, patriotes et réfractaires circulaient plus librement ».

 

Le 13 décembre 1946, à Tourcoing, Yolande Vanackere

est décorée par un officier Américain. Sa seule médaille, pendant 40 ans. 

 

Une vie pas rose, rose…

 

Yolande au eu le caractère forgé par une vie qui ne lui a épargné aucune difficulté. Et pourtant, ou peut-être en est-ce la conséquence, Yolande garde le sourire, et le souvenir très présent des années les plus dures. 

Ainsi va la vie. Certains naissent dans des berceaux dorés, d’autres pas. Yolande appartient à la seconde catégorie. A l’âge de dix ans, la fillette perd ses parents, et est placée en orphelinat près d’Yseghem. Un de ses jeunes frères (elle en a quatre) y mourra.

 

Elle se souvient aussi de sa fierté quand elle est allée chercher son certificat d’étude, première de toutes les candidates du canton. Elle ne l’aura d’ailleurs jamais en sa possession, puisqu’il demeurera dan le bureau de la directrice, dans un sous-verre. Seule la fierté demeure. 

Elle raconte aussi comment à 17 ans, elle s’est enfuie du couvent, puis a été employée dans une famille d’industriels tourquennois. Les enfants suivent les cours d’une préceptrice, « et je leur faisais répéter leur leçon. Comme cela, j’apprenais aussi ! Se réjouit-elle comme une enfant heureuse d’un bon tour… 

 

Un peu plus tard, elle rencontre son premier mari, Julien Vandekerckhove, et dans leur maison de la rue de l’Abbé Coulon, à côté de l’hospice du Mont, accueille des résistants et aviateurs alliés en fuite. « Dans un réduit caché sous l’escalier. Quand je voyais des Allemands arriver, je me grattais la tête. Cela voulait dire qu’il fallait vite courir s’y nicher »se souvient-elle.

 

Futée Yolande. Elle conseille à son mari de partir trois mois travailler en Allemagne, « pour être tranquille, faire semblant d’être bien avec les occupants et faire tout ce qu’on voulait derrière leur dos ensuite ». 

Il n’y a pas que des résistants qui ont coupé la fameuse cachette : Yolande y a aussi caché des stocks de l’ « Enchaîné », le journal clandestin du Parti communiste et des faux tampons qu’elle allait chercher à Tourcoing. 

Il y a aussi cette histoire que Yolande n’oubliera jamais : cette lettre de dénonciation qu’elle a longtemps cachée chez elle, derrière un compteur, pour échapper aux perquisitions avant de la confier à la Libération au comité d’épuration :

 

« C’est un postier de Tourcoing M. Lucien Lamouche, qui l’a interceptée. Elle était adressé à la Kommandatur et cela lui apparu suspect. Il l’a ouverte. On m’y accusait de cacher des résistants. Je sais bien qui est à l’origine de cette lettre. A la Libération, le comité n’a rien pu faire, la personne avait pris soin de ne pas l’écrire à la main »… confiait-elle le 8 mai 1986, alors qu’elle recevait, en mairie d’Halluin : 

 

La médaille de la Résistance et la Croix du Combattant volontaire…

  Un grand moment d’émotion ! 

 

 img168

 Mme Yolande Vanackere, décorée le 8 Mai 1986,

en Mairie d'Halluin.

(Photo DD 12163  n° Img 168)

 

Mme Yolande Vanackere  veuve Graye résistante halluinoise au courage exemplaire, membre de l’ARACT, en 1994, cinquante ans après, presque non-voyante, évoque encore cette affaire, et si elle ne peut plus mettre des fleurs sur la tombe du postier, y pense toujours avec reconnaissance 

 

Elle décède six ans plus tard, en 2000, et repose au cimetière d’Halluin.

 

Voir aussi... cliquez ci-dessous : 

Libération Halluin 1944 : Récit Julien Vandekerckhove Commandant F.T.P.F (Yolande Vanackère raconte en 1994).

Résistance 39/45 - Halluin (Yolande Vanackère et la Médaille de la Résistance en 1986). 

 9/9/2010 - 5/9/2019

Commentaire et Photos : ARPHalluin - Presse - Daniel Delafosse