Guerre 39 – 45
Visite quelquesmois après après la libération du 6 septembre 1944 :
en présence de Maurice Schumann (chapeau noir),
avec à sa droite, le Docteur Albert Louf (chapeau clair)
et à sa gauche, Gérard Verkindère (manteau sur le bras).
(photos n° 3033 et 3035)
L' Halluinois Gérard Verkindère... et le M.R.P.
Dans les années quarante, Gérard Verkindère ouvre un magasin d'électricité, de lustres et de luminaires.
Pendant la seconde guerre mondiale, il change d'orientation et vend des appareils photo et pellicules.
Après la seconde guerre mondiale, il part deux ans à Paris pour participer à la fondation du MRP avec Maurice Schumann et Jean Lecanuet.
Son épouse s'occupa alors du magasin. Tous les ans, il accompagnait pendant une dizaine de jours les colonies de vacances organisées par Soeur Ange et il réalisait un film en 9 mmm que l'on projetait lors de la fête, au retour.
Maurice Schumann... l'Elu du Nord.
Né le 10 avril 1911 à Paris, Maurice Schumann rencontre le Nord au lendemain de la Libération. Il en devient l’élu et lui sera toujours fidèle. Député de 1945 à 1973, il mène une action marquée par le christianisme social et le gaullisme dans l’industrieuse vallée de la Lys, vers Armentières et Comines, dont il sera aussi l’élu local.
C’est sans doute de ce premier ancrage qu’il garde une attention particulière aux problèmes du textile. Il sera à l’Assemblée nationale puis au Sénat, l’avocat de cette industrie, avec la volonté déterminée de garder à la France une grande activité textile et de défendre les emplois qu’elle procure.
Dans les dernières années encore, il aura contribué à la préparation des mesures Borotra et il suivait avec vigilance, et inquiétude, les prises de position de la Commission de Bruxelles.
Le député de la vallée de la Lys avait multiplié depuis longtemps les contacts avec les élus de la Flandre intérieure qui, de Bergues à Hazebrouck, le considéraient comme l’un des leurs.
Devenu sénateur, Maurice Schumann était tout naturellement à leur écoute.
De même, il est resté fidèle jusqu’au bout au conseil d’administration du port autonome de Dunkerque dont il défendait les dossiers avec âpreté et où il a toujours siégé avec assiduité.
Assidu, le qualificatif revient aussi pour définir sa présence au conseil régional du Nord Pas-de-Calais. Personne n’a oublié avec quelle patience et quelle courtoisie il présida en qualité de doyen d’âge la longue nuit au cours de laquelle fut élue présidente une écologiste en 1992.
Il était ensuite devenu président de la commission des Finances, remplissant cette tâche avec le plus grand sérieux. Présent à toutes les séances plénières, intervenant souvent, avec précision et pertinence, il était écouté et respecté de tous.
Il avait depuis longtemps acquis un appartement à Tourcoing et il était presque chaque semaine dans le Nord.
Dans ce très grand département de 2 500 000 habitants divisé en 24 circonscriptions et plus de 600 communes, il a toujours répondu aux invitations, même dans les plus petits villages. On le revoit dans une petite commune, inaugurant une rue du Général de Gaulle et masquant derrière un demi-sourire le léger agacement que devait lui causer un élu troublé qui l’avait prénommé Robert !
Il savait capter l’attention d’auditoire très divers.
Chaque année, il donnait à Lille, une conférence à l’Université populaire. Son amour de la musique a aussi marqué son action. Il fut un des premiers à soutenir la création de l’orchestre de Lille, sous la direction de Jean-Claude Casadesus.
C’était un homme politique courageux. En 1974, son élection au Palais du Luxembourg était loin d’être acquise. Il fut combatif, pugnace, omniprésent et très bien élu.
Nous étions tellement habitués à le voir partager nos attentes, nos colères et nos espoirs que nous ne mesurions plus le privilège de sa présence.
Nous nous souviendrons toujours d’un homme qui aimait la France et qui la voyait à travers les figures et les paysages du Nord.
Jacques Legendre Sénateur du Nord.
13/9/2010.
Commentaire : Daniel Delafosse
Entrée des Anglais, le jour de la libération,
le 6 septembre 1944, au carrefour de la rue de Lille (Banque Scalbert).
On remarquera l'habitation d' Abel Vamiene (cordonnier)-
(celle à côté de la maison Leduc).
(photos n° 2435 et 3017)
La Libération d'Halluin - Septembre 1944
En 1994, ils sont venus du Royaume-Uni,
pour le 50ème anniversaire de la Libération :
Ils sont de passage à Halluin, à l’occasion du cinquantenaire « Ils », ce sont deux Anglais venus à Halluin en deux occasions différentes.
Le « premier » se nomme Réginal James Smith de la 42ème division, sergent d’intelligence, et il est le dernier anglais à avoir quitté la base de Roncq le 14 mai 1940. Il venait de North-Tyneside, en passe d’être jumelée en 94 avec Halluin.
Le « second » Allié et Ecossais se nomme John Webster, âgé de 71 ans et vient de Gillingham, au sud de l’Angleterre, malgré le sang écossais qui coule dans ses veines. Directeur de collège secondaire en retraite, il garde en mémoire cette avancée qui le fit déboucher à Halluin.
C’était Le 6 septembre 1944 et il était agent de transmission dans une unité écossaise. Son épouse travaillait aussi dans les transmissions, dans la Navy…
Une résistance très enthousiaste
"Nous remontions de Bretagne, Montgomery avait fait une sorte de poche et les journalistes anglais se demandaient pourquoi il ne foutait pas tout de suite les Allemands à la porte.
Mais Montgomery plutôt que d’amener les Allemands dans une situation féroce leur a laissé la possibilité de s’échapper et d’épargner les populations civiles.
Les grandes routes de Falaises et d’Argentan jusqu’à la Belgique étaient pleines de ruines allemandes. Notre brigade était en avance sur la division écossaise mais en une journée nous n’avions parcouru que 25 km.
La résistance était très enthousiaste et cela créait un bouchon énorme de camions allemands incendiés ".
Une promenade de santé
"Pour progresser plus vite mon chef de brigade envoya une équipe qui parlait le français pour dénicher les routes secondaires. J’ai trouvé que c’était très dangereux et en fait c’était remarquable, une promenade en auto pour le chauffeur et moi !
Nous avons passé la Seine et atteint Saint-Pol en un jour. J’ai passé les champs de bataille de la première guerre à toute vitesse. Jamais je n’ai osé le dire à mon père, lui qui a progressé au même endroit de 200 m en quatre ans ! Les oiseaux chantaient. Nous devions rejoindre Courtrai et avons passé Lille par l’ouest".
La ville attendait un régiment, on était deux
"A un moment j’ai vu une barrière, j’ai pensé que c’était le chemin de fer. J’ai dit à « Joc » étrange il n’y en a qu’une. En fait nous étions à la frontière d’Halluin.
C’était le 6 septembre 1944 à 3 h du matin et en trois minutes, la rue était remplie de monde dans le centre ville. Je me suis retrouvé comme un joueur de rugby dans la mêlée. Ils criaient « vive les Anglais », alors qu’on aurait voulu qu’ils n’oublient pas les Ecossais…
Mon passage à Halluin était émouvant, on a ri beaucoup. Les Halluinois s’attendaient à plein d’infanterie et de chars et ont vu arriver un petit moi, dit-il dans un français improvisé, charmant, et le conducteur de la jeep en reconnaissance dans le secteur.
Nous voulions traverser la Lys, mais le pont étant détruit, nous avons rejoint Courtrai (B) par le chemin du halage le long de la rivière.
Sur la place de Courtrai, il y avait les résistants français, et les Chemises Blanches célébraient la libération de la ville, que j’ai pu annoncer à la radio. Alors nous sommes repartis discrètement à Halluin.
Le lendemain nous étions à Bruxelles, mais un autre bataillon, plus prestigieux, était attendu avant nous… » raconte cet écossais qui passa à Halluin voici 50 ans, l’espace d’une heure et demie… mémorable.
Ils seront tous les deux présents ce Dimanche 11 septembre 1994 lors des manifestations officielles de ce 50ème anniversaire.
John Webster, premier Britannique à être entré à Halluin en 1944, et Reginald Smith, venu de la ville jumelle de North-Tyneside, avaient eux aussi fait le déplacement.
Le dernier anglais
Le mot de la fin revint à Réginald Smith. Coiffé du béret vert qu’il portait en 1940, il arrivait tout droit de North-Tyneside, pour apporter, avec un savoureux accent anglais, le témoignage de son passage dans notre ville :
"Ma connaissance des alentours commençait le 29 avril 1940, quand mon détachement de l’armée britannique était établi au château Lagache, à Roncq.
Notre séjour dura 16 jours avec quelques petites visites agréables à Halluin…
Le 10 mai votre monde était bouleversé, le mien aussi. Nous étions réveillé au son des bombes et du bourdonnement de beaucoup d’avions.
Nous ouvrions la radio pour apprendre que les Allemands avaient envahi la Hollande et la Belgique. De notre bureau nous popuvions voir une rougeur et des grandes vagues de fumée noire.
C’était l’aérodrome de Wevelghem en feu. Quatre jours après nous quittions le château pour la Belgique, mais pas pour longtmeps. Trois jours après nous étions à Orchies et sur la défensive..."
En quittant Roncq, il ne se doutait pas que la guerre serait aussi longue et aussi terrible…
Ni que plus d’un demi-siècle plus tard, il appellerait avec humour, les jeunes Halluinois à ne pas oublier :
" Que les générations, pour lesquelles ces mémoires ne sont que des contes de grand-père, auront le bon sens à bien écouter et en déduire la moral ".
Réginald Smith qui faisait partie de l’Intelligence Service est, aujourd’hui 11/9/1994, âgé de 80 ans. Journaliste retraité, il fut le dernier anglais à quitter Halluin et Roncq.
Et, ce Dimanche 11 Septembre 1994, 50 ans après, c’est sur l’air célèbre du « Pont de la rivière kwaï » interprété par l’Harmonie municipale que l’assistance fut invitée au vin d’honneur.
10/9/2010.
Commentaire : Daniel Delafosse
Les libérateurs anglais, rue de Lille, en septembre 1944.
(photos n° 3022 et 5760)
La Libération d'Halluin - Septembre 1944
En 2010 : se souvenir n'est pas vain...
par l'historien local Roland Verkindère.
Comme chaque année, la ville célèbre la libération d'Halluin. Comment s'est déroulé ce moment historique rue du Forage, rue de la Lys ou au balcon de l'ancienne mairie ? Lieu par lieu retour sur quatre jours souvent douloureux avant la Libération officielle.
À qui s'interroge sur les endroits où les combats de la Libération de la ville se sont déroulés, il faut d'abord rappeler que ces faits de guérillas urbaines avaient un double but. D'une part sur l'axe Lille-Bruges-Anvers empêcher les troupes allemandes d'occuper durablement ce port essentiel pour le débarquement des troupes et du matériel alliés (Dunkerque tient jusqu'en mai 1945).
D'autre part « faire le ménage » sur les marges de cet axe pour permettre aux troupes anglaises et canadiennes de foncer sans retard vers Anvers afin d'investir cette place stratégique.
C'est la mission, la feuille de route laissée aux hommes et femmes des forces françaises de l'intérieur, des FFI qui fédèrent les diverses composantes de la Résistance.
« Help » dessiné pour attirer les aviateurs anglais
À Halluin, au bord de la rue du Forage, au niveau du centre Trieste, un camion allemand est en partie incendié. De l'actuelle rue Dennetière à la cité Windels (deux noms de victimes innocentes de ces combats) des véhicules ennemis circulent protégés par des otages civils, arrachés de leurs demeures.
Dans la rue de Lille même, aux baraques à Menin où Alfred Simono parlemente sans armes avec un officier SS pour empêcher des représailles plus sanglantes encore de la part des troupes en désarroi.
Au carrefour de la rue de Lille et de la rue de l'Église, où est dessiné en toute hâte un grand « Help » pour supplier les aviateurs anglais d'intervenir dans ces situations difficiles. De même le long de la Lys, au cercle catholique et au balcon de l'ancienne mairie place de l'Église où la Libération d'Halluin est proclamée par les représentants du Comité local de la Libération.
Dernière image : ce camion de soldats britanniques stationné et ovationné au pied du monument aux Morts, à l'endroit même où quelques jours auparavant la statue avait été enveloppée d'un drapeau tricolore à la grande colère des ennemis bientôt en retraite sinon en déroute.
Autre temps. Mais ces jours de septembre 1944 mettaient fin à une chape de plomb de plus de quatre ans et laissaient espérer enfin une nouvelle ère de vie plus pacifique après la capitulation, le retour des prisonniers, la reprise progressive mais lente d'une vie plus normale.
Heureusement, ces temps sont révolus. La réflexion sur ce passé tumultueux (1870-1944) a enfin abouti à une Europe plus pacifiée. S'en souvenir n'est pas vain.
8/9/2010.
Commentaire : Daniel Delafosse
M. Albert Desmedt, Maire d'Halluin remettant un prix à M. Maurice Mahieu.
(photo n° 112)
La Lys libérée en Septembre 1944
Des F.F.I. au Hameau des Bois,
ou la Résistance Bousbecquoise.
Récit, dans la presse locale, des opérations menées en septembre 1944 par les résistants bousbecquois, racontés par l’un des leurs : René Gryspeerdt, en septembre 1984 soit quarante ans après.
Comme la plupart des autres communes de la vallée de la Lys, Bousbecque a connu des journées agitées au début de septembre 1944. Si l’histoire avec un grand « H » ne s’est évidemment pas dénouée de façon déterminante dans la commune, ses habitants y ont cependant pris part, et certains l’ont même payé de leur vie, à l’image de Léon Six.
Voici le récit de l’un des témoins directs de ces opérations : René Gryspeerdt, disparu en 1983, qui fut l’adjoint direct de M. Albert Desmedt chef des F.F.I. bousbecquois. Après une grave blessure de celui-ci, ce fut en effet à René Gryspeerdt que revint la tâche de rédiger le compte rendu officiel des engagements menés dans la commune.
Ce document étonnant fut adressé par le commandant Arthur Malfait, chef de mission et liquidateur national du réseau Sylvestre ex-WO. Ce texte est livré à l’état brut, tel qu’il a été rédigé juste après la libération.
Sur le toit d'un char allemand capturé,
des FFI bousbecquois défilent dans les rues de la commune.
(Photo NE DD 13460 n° Img 389)
Compte rendu des opérations du Dimanche 3 septembre 1944, 11 h :
Quelques groupes de soldats allemands en armes sont signalés dans la campagne. Nous décidons une expédition dans le but de se saisir d’armes. Six hommes : Albert Desmedt, René Gryspeerdt, Albert Ostyn, Constant Vandamme, Georges Huyghe et Jean Hollebecque armés de trois revolvers tentent l’opération.
Un groupe de cinq Allemands est aperçu au hameau des Bois, après deux kilomètres de poursuite, trois des nôtres les doublent en bicyclette et s’aperçoivent qu’ils sont bien armés : une mitraillette et trois pistolets.
Les Allemands voyant la manœuvre bifurquent dans les champs. Nous regroupons les forces et décidons d’essayer de parlementer, arrivés à 60 mètres d’eux ; nous nous efforçons de les convaincre que la guerre est finie et de l’inutilité de résister, ils semblent acquiescer et viennent vers nous sans cependant se rendre, nous sommes près d’eux et d’un geste bref nous les désarmons.
Emmenés prisonniers au village, dans une salle des écoles libres, ils sont gardés la nuit par un groupe de F.F.I. qui fait bonne garde.
Compte rendu des opérations du lundi 4 septembre 1944 :
Durant la journée, surveillance permanente du secteur. A 18 heures, on signale l’arrivée d’un groupe de 60 S.S. bien armés venant de Comines et Wervicq. Les forces sont groupées et les hommes disponibles et armés sont disposés aux points névralgiques. Les ordres sont formels de ne pas tirer vu l’importance de l’ennemi.
Arrivés à l’usine Leurent lieu de retranchement des F.F.I., le chef Albert Desmedt sans armes apparentes agita un mouchoir et fit signe au chef allemand qu’il désirait parlementer. Celui-ci un lieutenant S.S. fit lever les bras aux premiers rangs de sa troupe en signe d’acquiescement.
Albert Desmedt s’avança vers les ennemis, suivi de 2 F.F.I. Robert Debuf et Henri Leuridan. Aussitôt les Allemands baissèrent les bras et mirent les Français en joue, les traitant de terroristes et les menaçant de mort immédiate.
Ils en décidèrent autrement et mirent les patriotes devant la colonne en ajoutant un autre membre Léon Six.
Précédés des quatre prisonniers et sous la menace de leurs armes, les Allemands reprirent leur route vers Halluin, non sans avoir ramassé encore un civil Auguste Claeis qui, grâce à un papier signe de l’O.K., est relâché.
Arrivés au poste d’Halluin frontière, les F.F.I. d’Halluin alertés auparavant ont organisé l’opération de sauvetage des nôtres. Ils leur font signe de se coucher, deux des nôtres se couchent immédiatement, mais les deux autres Albert Desmedt et Léon Six sont lâchement abattus dans le dos par les Allemands.
A ce moment un groupe de F.F.I. de Bousbecque qui a suivi la colonne entre en action derrière les Allemands, pendant que les forces d’Halluin et Menin font face à la colonne.
Mais un tank allemand intervient et oblige les F.F.I. de se retirer.
Les Allemands profitant de cet appui puissant, se dispersèrent vers la Belgique en emportant leurs victimes.
Grâce à l’intervention en pleine bataille de notre aumônier l’abbé Wulstecke, les deux blessés sont immédiatement emportés au poste de secours, où le Docteur Dereu apporte les premiers soins.
L’arrivée rapide du docteur Devriendt de Bousbecque et de notre camarade André Lepoutre avec leurs voitures permettent une évacuation rapide des blessés vers Tourcoing.
Avec le concours du Docteur Devriendt, le docteur Lengrand et l’hôpital de Tourcoing l’impossible est tenté pour sauver nos grands blessés.
Léon Six succombe dans la nuit et Albert Desmedt, moins gravement atteint, semble hors de danger.
Compte rendu des opération du mercredi 6 septembre 1944 :
De fortes colonnes allemandes sont signalées en Belgique, sur la route de Menin à Wervicq face à Bousbecque.
Vers 19 heures nous entrons en rapport avec les F.F.I. de Wervicq (Belgique) qui craignent ne pouvoir conser ver sept prisonniers capturés par eux.
A 20 heures, nous aidons au passage au travers de la Lys, par des moyens de fortune, nous prenons possession des prisonniers et les dirigeons dans la voiture d’un de nos camarades au P.C. de Tourcoing.
8/9/2010.
Commentaire : Daniel Delafosse
Les premiers Anglais arrivent à Halluin
les 5 et 6 sept. 1944. Ils sont ici rue de Lille.
(photo n° 2966)
La Libération d'Halluin - Septembre 1944
Liste des personnes habitant Halluin,
blessées pendant les journées de libération.
Bartholomeus Marie 14/6/1904 Halluin 183 Bis rue de Lille
Castro Henri 23/8/1921 Halluin Chemin Rouge Porte
Cornette Georges 10/6/1901 Halluin 18, Impasse Mamelon Vert
David Jules 23/8/1878 Halluin 62, rue Basse
Dekeyser Robert 4/2/1883 Halluin 17, rue Turbigo
Demeulenaere Bertha 20/3/1895 Menin (B) 59, rue Emile Zola
Faillie Monique 28/2/1932 Halluin 22, rue Henri Ghesquière
Feys Marcel 9/12/1900 Halluin 30, rue Georges Guynemer
Houthoof Marie 11/7/1882 Roulers (B 38, rue du Nord
Olivier Cécile 16/6/1909 Tourcoing (N) 130, rue de Lille
Saint-Venant Achille 3/5/1905 Halluin 34, rue de la Gare
Saint-Venant Marceau 8/12/1925 Halluin 34, rue de la Gare
Synave Victor 5/12/1923 Halluin 50, rue de la Pannerie
Vandenberghe Paul 25/1/1866 Halluin 115, rue de Lille
Vanhonacker Henri 27/4/1903 Halluin 52, Chemin des Meurins
Vlieghe Jean-Odilon 11/9/1884 Sweveghem (B) 72, rue du Midi Belge
Nuttin Marcelline Non originaire d’Halluin, partie à Cassel.
Halluin, le 9 Octobre 1944.
8/10/2010.
Commentaire : Daniel Delafosse
Juin 1983 : M. Maurice Mahieu (à gauche), du Club de Javelot,
est honoré à la Mairie par M. Albert Desmedt, Maire d'Halluin
La Libération d'Halluin - Septembre 1944
Albert Desmedt, le F.F.I. ressuscité.
Récits publiés dans la presse locale.
« Finalement, cette histoire je n’ai jamais eu l’occasion de la raconter vraiment. Surtout pas à un journaliste…
Que voulez-vous, quand on l’est soi-même, journaliste, on n’a guère le temps ni le goût de s’auto-interviewer ».
Alors M. Albert Desmedt, qui travailla durant trente ans dans la presse régionale, avant d’être élu en 1983, maire de sa bonne ville d’Halluin, a gardé bien au chaud pour lui « son » histoire de la Libération.
Pourtant les souvenirs sont là, tout proche et étonnement précis. Il est vrai qu’il n’est pas donné à tout le monde d’avoir été abattu par les S.S., d’avoir reçu les derniers sacrements… et d’être encore là en septembre 1984, quarante années plus tard pour le raconter !
Albert Desmedt en 1984,
à son bureau de la Mairie d'Halluin.
(Photo NE DD 13564 n° Img 138)
Depuis la fin de 1942 le jeune Albert Desmedt, âgé alors de 25 ans, est délégué au mouvement « Voix du Nord » pour le secteur de la Vallée de la Lys.
Responsable du service « ravitaillement » à la mairie de Bousbecque, il s’est vu confier par les chefs de la Résistance une double tâche : fournir en tickets d’alimentation les réfractaires au STO et toux ceux qui sont plus ou moins recherchés par les Allemands ; et aussi fabriquer de faux papiers en grande quantité.
« Tous les réfractaires bousbecquois, et je dis bien tous, ont pu être ainsi approvisionnés, mais aussi des Halluinois et des Tourquennois, des gens que l’on m’envoyait parfois de fort loin.
Quant aux fausses cartes d’identité, elles étaient très bien faites ; nous prenions les photos dans l’arrière-salle du café « Le Porte-drapeau » sur la place de Bousbecque, et nous les développions tant bien que mal.
J’ai aussi distribué sous les portes des milliers de journaux clandestins, une fois la nuit tombée ».
Tout cela avec à deux pas la présence d’un groupe d’Allemands dans l’école laïque de la rue Saint-Joseph, des soldats qui allaient rester à Bousbecque jusqu’au début de 1944 !
Survient alors le début du mois de septembre ; pour la première fois le groupe commandé par Albert Desmedt va se manifester publiquement.
« Nous avions reçu des ordres précis de Marcel et Jules Houcke, ce dernier président du Comité Départemental de la Résistance, que j’avais d’ailleurs hébergé chez moi.
Il s’agissait de parlementer avec les groupes d’Allemands, qui se repliaient, afin si possible d’éviter la casse. J’avais reçu une trentaine de brassards « F.F.I. » que j’avais distribué à des garçons que je savais prêts à intervenir.
Je dois dire que tous autant que nous étions, manifestions beaucoup d’inconscience : le mot « héroïsme » est de ceux qui me font un peu rigoler.
La vérité c’est que nous étions tellement contents de faire quelque chose, que nous n’aurions pas cédé notre place pour un empire ».
Le dimanche 3 septembre 1944, l’équipe commandée par Albert Desmedt, qui comprend notamment René Gryspeerdt, personnalité bien connue à Bousbecque, décédée en 1983, stoppe et désarme un groupe de cinq Allemands pourtant équipés de mitraillettes et de pistolets, après une poursuite à travers champs.
Les F.F.I assurent eux-mêmes la garde des prisonniers pendant la nuit.
« Le lendemain, en fin d’après-midi, nous avons voulu rééditer la même opération. J’étais avec deux autres F.F.I. Robert Debuf et Henri Leuridan.
Mais cette fois nous sommes tombés sur un groupe de soixante S.S. armés jusqu’aux dents ! »
Dans un premier temps leur lieutenant fait mine de vouloir parlementer, puis toute la troupe met en joue les trois Bousbecquois. Les insultes « Terroristen », les menaces et les coups pleuvent.
« Ils nous ont collés contre la grille de l’usine Leurent et ont braqué leurs fusils vers nous. Mais comme ils allaient tirer, une violente discussion les a opposés.
Aucun d’entre nous ne parlait allemand, cependant nous comprenions bien le sens des paroles. Une partie de la troupe voulait nous fusiller sur place, d’autres préféraient nous garder comme otages afin de couvrir leur fuite vers la Belgique. Au bout d’un moment ils ont baissé leurs armes… ».
Les trois résistants auxquels les soldats ont joint un jeune Bousbecquois de vingt ans, Léon Six, qui depuis a donné son nom à la rue principale de la commune, sont placés devant la colonne de S.S. et se mettent en marche, fusils et mitraillettes braqués sur leur dos.
« Là, je dois quand même admettre que j’ai eu la trouille de ma vie ! Ces quatre kilomètres de Bousbecque à Halluin, à pied, bras levés, les armes dans le dos, sachant parfaitement que dès qu’ils n’auraient plus besoin de nous ils nous abattraient froidement, c’est quelque chose qui se raconte et s’exprime difficilement… ».
Malgré tout, le groupe parvient à Halluin. Juste à la frontière avec Menin, des résistants français et belges qui stationnaient près de la douane aperçoivent la colonne. Aussitôt ils ouvrent le feu après avoir fait signe aux quatre prisonniers de se jeter sur le sol.
« Ensuite tout s’est passé très vite ; dès les premiers coups de feu, je me suis senti basculer en avant. Des témoins nombreux à cet endroit, m’ont ensuite raconté que j’avais poussé un grand cri, un seul.
Je me souviens parfaitement d’une seule chose : j’ai porté la main à mon côté droit qui me faisait mal. Il y avait dessus du sang et une espèce de glaire. Puis je suis tombé dans les pommes ».
En fait, seuls Henri Leuridan et Robert Debuf ont eu le temps de plonger. Le premier sera blessé au dos et au visage, le second s’en tirera avec une égratignure et réussira l’exploit de s’enfuir des lieux du drame en passant littéralement à travers les balles !
Albert Desmedt et Léon Six ont eu moins de chance, fauchés par la première rafale tirée par les Nazis.
Ceux-ci, après avoir essuyé quelques pertes, d’autant que des résistants bousbecquois se sont joints à ceux d’Halluin et de Menin, se retirent en tiraillant et vont se cacher dans le « Bois Gratry » tout proche.
Rue de la Lys, on a ramassé les corps ensanglantés d’Albert Desmedt et Léon Six. On les charge sur une vieille camionnette, et on les conduit à l’école du Sacré-Cœur, où l’abbé Blanckaert leur administre les derniers sacrements, car tous deux sont grièvement atteints.
Léon Six a été touché au ventre et au foie. Quant à Albert Desmedt, une balle de revolver lui a traversé le poumon, le transperçant de part en part à deux doigts de la moelle épinière.
Plus grave, une autre balle plus grosse, sans doute de fusil, lui a littéralement déchiqueté l’estomac. Le trou dans le ventre est gros comme « un bol de café au lait », selon les témoins oculaires.
On décide malgré tout de le conduire à un hôpital de Tourcoing rue des Ursulines.
« Là, ma chance, ce fut le malheur d’un autre, un jeune F.F.I. grièvement blessé à Wervicq. On avait préparé une salle pour l’opérer d’urgence, mais il est mort pendant le trajet. Et là-dessus on m’amène. J’ai été opéré sur-le-champ, et c’est sans doute ce qui m’a sauvé ».
Léon Six, lui, succombera dans la nuit. Quant à Albert Desmedt, il reste trois semaines à l’hôpital, avant d’être rapatrié à Bousbecque, certes dans un triste état, mais hors de danger ;
On ne lui annoncera la mort de Léon Six qu’avec beaucoup de retard, pour éviter un nouveau choc trop violent.
« La suite des évènements, eh bien.. on me l’a racontée ! Tous les jours, des copains venaient se relayer à mon chevet et m’expliquaient la débâcle allemande.
Puis j’ai commencé à remarcher avec un bâton, comme on disait à l’époque. Mais j’ai conservé les cicatrices… et le dos rond, car j’ai mis des mois avant d’oser me redresser ! ».
Rue de la Lys, une simple plaque indique l’endroit où est tombé Léon Six.
Septembre 1984 : Albert Desmedt devant la plaque
à la mémoire de Léon Six, abattu à cet endroit 40 ans plus tôt.
C'est de l'autre côté de la rue de la Lys qu'il est tombé
le même jour sous les balles allemandes.
(Photo NE DD 13562 n° Img 099)
Albert Desmedt, lui a été abattu de l’autre côté de la rue, à deux pas de la douane.
« J’ai perdu tellement de sang que la tache en est restée en est restée marquée durant des mois et des mois, avoue-t-il dans un sourire. Car dans le sang, c’est comme certains souvenirs : ça marque très très fort… ».
De Bousbecque à Halluin, la libération sanglante…
Récit de M. Henri Leuridan, en septembre 1984,
à partir de ses souvenirs et de ses archives personnelles.
« Le dimanche 3 septembre 1944, vers 18 h, une colonne, d’une cinquantaine d’Allemands, qui se repliait vers la Belgique, débouchait à Bousbecque par la rue de Wervicq, portant leurs armes en position de tir.
Albert Desmedt se tenait sur le trottoir de l’usine Leurent, sans armes apparentes. Par signes, il demanda aux Allemands s’ils voulaient parlementer.
Le chef de la colonne ennemi, un lieutenant S.S. fit lever les bras aux premiers de sa troupe pour marquer son accord. Et Albert Desmedt s’avança alors, un mouchoir blanc à la main escorté par deux autres F.F.I., Robert Debuf et Henri Leuridan. Mais les Allemands baissèrent soudain leurs armes, mirent en joue les jeunes Français et les alignèrent contre un mur en menaçant de les exécuter séance tenante ».
« Dans les rues voisines, les Bousbecquois regardaient atterrés, s’attendant au pire. Les autres F.F.I., trop peu armés, se tenaient dans l’usine, avec la consigne de ne pas intervenir sans ordre, de façon à éviter les représailles dont pouvait être victime la population civile.
Quand un Allemand ouvrit la porte de la cour de l’usine, en tirant un coup de fusil, Albert Desmedt assura qu’il n’y avait plus personne et referma la porte cependant que ses deux camarades confirmaient ses dires.
Les Allemands placèrent alors en tête de colonne les trois F.F.I. avec Léon Six, également trompé par l’attitude conciliante des soldats, qui était descendu du clocher où il se trouvait en observation.
Terrifiés, les Bousbecquois regardèrent défiler la colonne précédée par les quatre jeunes gens, les mains en l’air, comme des vivants boucliers. Ce fut un calvaire pour eux, sur quatre kilomètres, harcelés par les Allemands qui leur faisaient comprendre le sort cruel qui les attendait au bout de la route.
Alertés par les F.F.I. de Bousbecque, les groupes d’Halluin et de Tourcoing s’organisèrent pour sauver leurs camarades. Et c’est au poste de douane à Halluin, rue de la Lys, que la colonne ennemie fut attaquée.
Les Allemands tirèrent sur les otages qui s’écroulèrent tous les quatre.
Le combat fut féroce et seule l’intervention d’un tank ennemi permit à la colonne de déguerpir ».
«L’abbé Vuylsteke s’était précipité en pleine bataille auprès des quatre Bousbecquois. L’aumônier de la Jeunesse Catholique en trouva deux à peu près indemnes, Robert Debuf et Henri Leuridan, ce dernier légèrement blessé d’une balle dans le dos et d’un éclat. Mais Léon Six et Albert Desmedt étaient grièvement atteints.
Ils furent transportés par la Croix-Rouge au Cercle catholique.
Le foie et les intestins perforés, Léon Six était inopérable, il mourut dans la soirée.
Touché de plusieurs balles au ventre et à la poitrine, Albert Desmedt put être soigné et se rétablit ».
Le 6 septembre 1944, un officier anglais
appartenant à la colonne des "libérateurs"
rend visite à la famille de Léon Six, à Bousbecque.
(Photo NE DD 13563 n° Img 430)
8/9/2010 et 6/9/2012.
Commentaire : Daniel Delafosse
- Funérailles le 7/9/1944 des victimes halluinoises (Liste des soldats décédés à l'extérieur de 1939 à 43).
- Libération Halluin 1944 : Arrivée Soldats Anglais 5 - 6 Sept.(20 ans à la Libération, témoin anonyme 50 ans plus tard).
- Libération d'Halluin 1944 : Liste Halluinois Morts (Bulletin Halluinois).
- Libération Halluin 1944 : Yolande Vanackère Résistante Halluinoise.